Smells like sushi!

Juste un autre jour à Traverse Town. Le soleil est inexistant, mes cheveux frisent à cause de l’humidité dans l’air, mon frère n’est pas là, je n’ai plus d’argent et j’ai vachement faim. En fait, c’est vraiment une journée pourrie, voilà ce que je devrais me contenter de dire. Voyez, je pensais que je commençais à m’y faire. J’ai une petite chambre bien confortable, je donne un coup de main de temps en temps à la shérif quand on a besoin d’une paire de bras supplémentaires pour supprimer du sans-cœur. Sauf que ça s’arrête pas mal là. J’ai beau chercher partout et demander à tout le monde, même pas moyen d’acheter une nouvelle moto. Et le pire, c'est que des commerçants m'ont dit qu’ils connaissaient peut-être quelqu’un, mais qu’il est parti. C’est bien ma chance ça, comment faire affaire avec un commerçant qui ne réside même plus à Traverse Town? D'ailleurs il y a de ces gens bizarre dans cette ville. À côté je me sens presque normale. Non, parce qu’il faut pas déconner. Même dans mon monde d’origine je détonne un peu du paysage avec ma grosse crinière dorée et mes gun gauntlets destructeurs. Certes, ma grande gueule pourrait aussi être en cause, mais je ne vous demande pas de juger.

L’important, ici, c’est que je cherche de quoi m’occuper. Je suis même allée faire un tour à la boutique du Chapelier, dans le centre du second district, mais ce fut une perte de temps. Avec ces grosses boucles, il n’y a rien qui tienne sur ma tête. Il suffit d’un coup de vent ou d’un mouvement brusque pour que ça tombe immédiatement. Ce ne serait pas si mal si j’étais, oh je ne sais pas, dans un fauteuil roulant ou quelque chose, mais c’est loin d’être le cas. Je suis même plutôt active comme fille, quand je ne suis pas en train de me trainer misérablement les pieds parce que je ne trouve rien à faire et que ma vie est devenue nulle. Je suppose qu’on ne peut pas tout avoir. Voilà qui est une belle pensée, une idée que je devrais cultiver pour m’apaiser l’esprit, si ce n’était pas aussi stupide. Pas tout avoir mon oeil! Je demande juste un truc qui sorte de l’ordinaire, juste une seul et unique petite chose qui pourrait me sortir de mon quotidien. Car oui, après deux jours et demi, ça compte comme le quotidien maintenant et c’est ennuyeux à mourir! N’y a-t-il pas de primes ici? Une petite jambe à casser, un fuyard à ramener par la peau du coup? Je serais même prête à viander du heartless, si ces petits créatures toutes meugnonnes et trop agiles se décidaient enfin à apparaître.

Toujours aussi démotivée de la vie, j’ai donc gagné le premier district, descendant les marches et saluant la boite aux lettres au passage. Bah quoi? Elle a un genre de bouche et j’ai parlé à une cyborg et à des peluches volantes ces temps-ci, pourquoi pas la boite aux lettres? Bref, tout ça pour dire que je suis allée m’affaler à l’une des tables de la petite terrasse extérieure, la joue bien calée dans la paume de ma main et le regard éteint. Mes iris bien plantés dans le bois de la porte du monde, j’attends. Quelque chose ou quelqu’un, à un moment ou à un autre, va la franchir. Dès qu’il y a quelqu’un pour montrer le bout de son nez, je lui saute dessus! Je jouerai les comités d’accueil à l’ancienne, façon je frappe et ensuite tu me montre ton passeport après. La serveuse vint d’ailleurs me porter un jus de fruit et je la remerciai d’un mouvement de tête avant de continuer ma garde. C’est vraiment triste, vous avez une idée d’à quel point il faut se faire chier pour en arriver là? J’ai vraiment touché le fond, il n’y a pas à dire. Sauf que c’est un fond qui allait bientôt payer ses fruits! La porte venait de s’ouvrir pour laisser passer… laisser passer… Oh bordel.

- Je suis saoule. Forcément. Il y avait un truc dans le jus de fruit.

Et, comme une idiote cherchant à se le prouver, j’en pris une nouvelle gorgée. Longue, vidant le verre d’un trait avant de le reposer avec fracas et de m’immobiliser pour faire l’état des lieux. Pas de chaleur dans l’abdomen, pas de petite sensation de marcher dans du coton, pas de goût d’alcool dans le gosier. C’est du jus tout ce qu’il y a de plus normal. Pourquoi on m’a servit ça alors? Non, réfléchi un peu Asch, c’est pas ça ici le plus gros problème!!

- Mais qu’est-ce que c’est que ce truc?!!

Ne puis-je pas m’empêcher de presque crier en me levant d’un bond, précipitant ma chaise au sol du même coup. Pas le temps de la ramasser, c’est beaucoup trop louche cette histoire. Ou juste cette tête en fait. Est-ce que sa peau est… bleue? J’étais pas prête pour ça moi! Du coup c’est aussi une sans-cœur? Il y en a des comme ça? J’en ai strictement aucune idée, mais je ne peux pas non plus la laisser se balader librement dans la ville. De quoi j’aurais l’air, moi, si je laissais entrer et se balader bien peinard quelqu’un de potentiellement dangereux comme si de rien n’était? Poussée par le sens du devoir, et surtout du très gros mindfuck qui venait de me gagner, je m’avançai vers elle à grand pas pour lui bloquer le passage. Mon regard, interloqué, la détaillait sous toutes les coutures avec beaucoup de curiosité, mais sans réelle malice. J’avais plus l’air d’une petite fille un peu conne qui ne se mêlait pas de ses affaires que d’une madame méchante, ce qui est quand même à mon honneur, bien que pour le coup ma réputation ne s’améliore pas.

- Qu’est-ce que t’es et… C’est naturel ça? Tu es une sans-cœur? Cette armure en jette! Tu crois qu’ils la font en brun et or?